le DPID #2 : le Boudin de porte

Le Boudin de porte dans son plus simple appareil
(Photo by Spin Spin on Foter.com / CC BY-ND)

S’il y a bien un objet qui mérite sa place dans ce panthéon, c’est le boudin de porte, ou je ne m’y connais pas. Le boudin de porte est véritablement la quintessence du génie humain. Il confine au sublime. 

Le boudin de porte est appelé ainsi à cause de sa forme (en boudin) et de sa position (à la porte). Par analogie de construction, le lecteur attentif comprendra aisément pourquoi on a longtemps surnommé ma femme la « Vénus de levrette ».  Si j’en parle au passé, c’est parce que quand elle a fini par devenir un boudin, je l’ai foutue à la porte elle aussi. 

La raison d’être du boudin de porte serait à mettre au crédit de cette manie française exaspérante qui consiste à laisser trop d’espace entre le bas de la porte et le niveau du sol. Autrement dit, nos bas de portes sont coupés beaucoup trop haut.  En cela, le boudin de porte nous pose une question existentielle fondamentale digne du paradoxe de la poule et de l’œuf : est-ce parce les bas de portes sont coupés trop haut que le boudin de porte a été inventé, ou est-ce justement parce que le boudin de porte existe que l’on peut se permettre de couper les bas de portes plus haut que de raison ? La question est tellement vertigineuse que l’on est en droit de douter que la science y apporte une réponse un jour. Ce fameux jour, que, je vous le rappelle, le boudin de porte s’efforce d’ailleurs de supprimer. Coïncidence ? 

Et quand je dis « manie française exaspérante », le mot n’est pas trop fort. A tel point que le boudin est depuis longtemps devenu synonyme d’exaspération dans le langage courant : le lecteur attentif le retrouvera par exemple dans l’expression « ça commence à bien faire au boudin moment ».

Tous les types de boudins font-ils l’affaire ? Je réponds non. Les boudins gastronomiques ont une efficacité très limitée dans le temps car trop périssables. Ils sont bien meilleurs aux pommes qu’aux portes, et en pâté de campagne qu’en pâté de maison. Le boudin de fin de soirée que le lecteur ivre ramène de temps en temps chez lui par dépit restera rarement sur le pas de la porte, vous en conviendrez. Quant au peintre Boudin, Eugène de son prénom, considéré comme le précurseur de l’Impressionnisme (n’exagérons rien : si c’était vraiment le cas, ne parlerait-on pas de Boudinisme à la place ?), il est lui aussi à proscrire, car on ne le répètera jamais assez, là où il y a d’l’Eugène, il n’y a pas de plaisir.

Toutes les portes font-elles l’affaire ? Là encore, je réponds non. Les portes de saloon, par exemple, poseront un sérieux problème aux amateurs de boudins de porte. Les portes latérales coulissantes nécessiteront plutôt un boudin de type vertical, ou tout du moins une rotation à quatre-vingt-dix degrés du boudin de porte classique (Attention : en degrés d’angles, pas en degrés Celsius, sinon c’est la brûlure assurée. Et il serait vraiment dommage qu’une brûlure, même superficielle, vienne altérer l’humour du lecteur, très premier degré lui aussi). Enfin, les Portes du Pénitencier bientôt vont se fermer, et nous n’aurons malheureusement pas le temps d’approfondir leur étude dans cet article. C’est d’ailleurs cette même déception qui, mise en chanson par Johnny Hallyday, donna l’expression « finir en ode-boudin » pour caractériser un échec.

Bernard-Henri Wikipédia, plus grand Philosophe du vingt-et-unième siècle, nous apprend enfin que le Boudin est « la marche officielle de la Légion étrangère en France. Il est cadencé à quatre-vingt-huit pas par minute, ce qui caractérise le fameux pas de la Légion ». Le lecteur un tantinet éclairé sur l’Art de la Guerre ne s’étonnera pas du choix du Boudin en tant que pas de notre armée, puisqu’il s’agit de repousser un ennemi qui, justement, est à nos portes. 

Si comme nous venons de le démontrer, le boudin de porte est rigoureusement inutile, la lecture de cet article ne l’est pas moins. Que cela n’empêche pas le lecteur d’aller voir quel sera l’objet de l’article suivant. Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre B.


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