LE DPID #15 : L'OREILLER DE VOYAGE

 

L'Oreiller de voyage dans son plus simple appareil - Image Fnac.com

S’il y a bien un objet qui mérite sa place dans ce panthéon, c’est l’Oreiller de voyage, ou je ne m’y connais pas. L’Oreiller de voyage est véritablement la quintessence du génie humain. Il confine au sublime. 

L’Oreiller de voyage est un coussin rembourré qui permet à l’usager de s’endormir dans une position confortable dans les transports. Il ne doit en aucun cas être confondu avec le tube de Voyage Voyage, qui a permis à Desireless de se reposer sur un bon gros matelas d’oseille dans les années quatre-vingts. 

Attention : J’ai dit « coussin rembourré ». Si vous êtes sur le point de vous endormir sur un « cousin bourré », c’est que vous êtes probablement à un mariage insignifiant ou à une fête de famille quelconque. Dans ce cas, je ne saurais trop vous recommander de baisser le volume de la sono ou sinon c’est bon y en a marre, j’appelle les flics. 

Sa jolie forme en U, qui n’est pas sans rappeler l’élégance toute sobre du tapis de toilettes, lui permet de venir parfaitement épouser le cou, comme la femme vient naturellement épouser l’homme. Ou l’homme l’homme. Ou la femme la femme. Ou l’homme le tabouret. De nos jours, il faut faire attention à n’exclure personne, dans nos sociétés dégénérescentes et dépravées qui ont perdu tout sens commun. 

De la même manière qu’« en forme d’humain » se dit humanoïde, « en forme d’ellipse » ellipsoïde, ou « en forme de patate » patatoïde, on emploiera le terme « hyoïde » pour désigner un objet en forme de U. Terme qui vient du grec ancien (hellenoïde ?), qui n’était lui-même pas si en forme que ça, en juger par les statues qui le représentent. Ou alors il devait faire très froid.

Comme son nom l’indique, l’Oreiller de voyage a été inventé par les Gens du Voyage, fameuse peuplade nomade dotée d’une créativité elle aussi sans bornes, puisqu’on lui doit notamment : la célèbre recette du gigot de hérisson au feu de palettes, le rempaillage de chaises percées, ou l’emprunt de poules sans carte de bibliothèque. Les clichés ont la vie dure, les Gens du Voyage aussi. 

Notons aussi l’existence du fameux Traubenkernkissen. « Trauben quoi ? ». Dans la langue de Molière, le Traubenkernkissen est un coussin rempli de pépins de raisin, utilisé pour soigner les vieux sacs pleins de pépins physiques. Dans la langue de bœuf, j’ajoute les cornichons en fin de cuisson car la viande doit avoir le temps de mijoter tout doucement dans la sauce tomates pour éviter qu’elle ne se défasse. 

Les fabuleuses propriétés physiques du pépin de raisin lui permettent en effet, après chauffage, d’emmagasiner longtemps la chaleur et de la restituer de manière diffuse et progressive. Par souci d’exhaustivité, ajoutons que d’autres produits fruitiers ont bien été essayés, notamment les graines de figues, mais les résultats obtenus n’étaient que moyennement satisfaisants. A vrai dire, un bilan mi-figue mi-raisin. 

Nouveauté au rayon literie : l’Oreiller de voyage à usage unique, qui permet maintenant de dormir au volant - on parlera parfois d’Oreiller de dernier voyage - car « conduire ou dormir, l’important c’est de participer, mais sans les noirs, les arabes ou les femmes », comme le disait Pierre de Coubertin, champion olympique de la citation tronquée. 

Bernard-Henri Wikipédia, Plus Grand Philosophe du Vingt-et-unième siècle, nous apprend que « lors d’accidents de la route, les études scientifiques ont montré que les passagers équipés d’Oreillers de voyage à mémoire de forme avaient statistiquement plus de chances de s’en tirer avec moins de séquelles que les autres ». Dans le cas malheureux de Lady Di, on se souviendra que c’est surtout le tableau de bord de la Mercedes qui a gardé la mémoire de ses formes. 

Si comme nous venons de le démontrer, l’Oreiller de voyage est rigoureusement inutile, la lecture de cet article ne l’est pas moins. Que cela n’empêche pas le lecteur d’aller voir quel sera l’objet de l’article suivant. Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre O.  

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