Mort d'un COVID voyageur





 Image par Gábor Bejó de Pixabay

Triste nouvelle : le COVID-19 n’est plus. 
 
On retiendra de lui sa très belle percée sur le marché du décès au premier semestre 2020, lui permettant d’obtenir une croissance significative à deux chiffres grâce à des résultats brillants dans son secteur d’activité. Sa compétitivité à toute épreuve et son extrême flexibilité pour contourner les mesures barrières lui assurèrent une belle rentabilité et un retour sur investissement phénoménal. Son taux de létalité certes un peu faible, seul bémol à inscrire dans un bilan comptable quasi-parfait, fut heureusement magnifiquement compensé par une contagiosité exceptionnelle, qui lui garantît un résultat à six chiffres. 
 
En fin disrupteur, le COVID-19 avait d’abord affuté patiemment ses armes dans le pangolin, commençant par une vaste étude de marché avant de monter un business-plan solide et d’élaborer une stratégie marketing efficace ; puis après un court séjour par la chauve-souris, pour peaufiner sa tactique d’invasion au moyen d’un targeting agressif, il avait décidé de tout quitter pour s’offrir un peu d’humanité. 
 
Outre son excellent bilan dans son domaine de prédilection, on portera également à son crédit comme effets collatéraux de sa politique ambitieuse et avant-gardiste les avancées suivantes :
  • Augmentation significative de l’activité physique pour de nombreux français, grâce au grand retour de la délation, sport national ;
  • Résolution (au moins provisoire) du problème des retraites ;
  • Accélération de la faillite du système hospitalier, et de l’ensemble du service public en général. 
Selon les premières informations qui nous sont parvenues, le COVID-19 serait décédé dans des circonstances troublantes impliquant les forces de l’ordre. On parle d’un contrôle policier qui aurait mal tourné : le COVID-19 aurait en effet été interpelé alors qu’il était sorti sans son attestation dûment renseignée, pour rendre visite à la grippe espagnole de 1918 qui coule des jours heureux bien mérités dans sa maison de retraite. Dans quel monde vit-on si on ne peut même plus rendre visite à ses aïeux sans se faire tuer ?   
 
Spontanément, des millions de déconfinés se sont rassemblés dans toutes les villes de France et ont défilé aux cris de « Police partout virus nulle part », « Nos virus valent plus que leurs profits » et « Nous ne voulons pas perdre nos virus à les gagner ». 
 
Au cours de ses obsèques, de nombreux représentants de la profession lui rendirent un dernier hommage : peste noire, grippe espagnole, grippe asiatique, choléra, grippe russe, fièvre jaune, Ebola, Sida... La majorité saluèrent une rentabilité extraordinaire avec tant de travail abattu en si peu de temps ; et même si certains émirent des doutes sur la véracité des chiffres ou lui trouvèrent des circonstances atténuantes (mondialisation, tourisme, hausse de la densité de population), tous promirent de s’inspirer de ses méthodes de travail à l’avenir. Plus discrètement, d’aucuns se félicitèrent également de la disparition d’un concurrent qui commençait sérieusement à leur faire de l’ombre.  
 
Le temps s’accorda bien à l’ambiance générale puisqu’un orage de cytokines éclata, laissant une pluie de compliments portée par les vents dominants de l’opinion mêlée de rares averses de critiques s’abattre sur l’assistance. 
 
Parce qu’il avait permis de relancer la consommation de nicotine, il eût également droit au magnifique éloge d’André Marlboro, dont le fameux « entre ici, COVID-19, avec ton terrible cortège », prononcé juste avant l’admission dans le four du crématorium, résonne encore dans toutes les têtes. Même si après la cérémonie, certains critiquèrent cependant l’emploi d’une telle citation, arguant qu’on ne pouvait être à la fois au four et au Jean Moulin. 
 
Stoppé net dans son ascension fulgurante, le COVID-19 s’éteint donc malheureusement sans avoir pu atteindre l’âge vénérable de 70 % de la population contaminée (qui est l’espérance de vie moyenne d’un virus selon les instances scientifiques du pays). Ses nombreux descendants, dont COVID-20 et COVID-21 se sont fait les porte-paroles, ont d’ores et déjà promis de tout mettre en œuvre pour poursuivre son travail et honorer sa mémoire dans les années à venir.

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